13 septembre 2006

Faut-il lire les Bienveillantes ?

Parmi les quelque 700 nouveaux romans livrés à l'appétit du public en cette rentrée 2006, les Bienveillantes1 de J. Littell ont fait grand bruit et ont été accueillies par des louanges quasi unanimes (seul Libération a apporté un bémol à ce concert).

Rappelons-en le sujet pour celles et ceux qui ne suivent pas l'actualité littéraire : ce roman se présente comme les mémoires d'un Waffen SS impliqué jusqu'au coup dans la gestion des camps de la mort nazis.

Certes, ce n'est pas la première fois que le sujet - les camps de la mort - est au coeur d'un roman2. Mais il s'agissait alors d'auteurs contemporains, témoins directs ou indirects de la Solution finale.

Il est dommage de bâtir un roman autour de faits historiques indébiables dont certains aimeraient nous faire croire qu'ils sont issus de l'imagination débordante des survivants des camps. Certes, Littell ne réhabilite en rien dans son livre les bourreaux, ne nient en rien les souffrances ni les horreurs subies par leurs victimes. Il n'empêche que le mot "roman", présent sur la première de couverture, choque. J'ai du mal à rapprocher ce terme, synonyme d'histoire inventée en tout ou partie, des mots Histoire et Mémoire.

Ironie ou hasard du calendrier, les mêmes éditions Gallimard rééditent dans la collection Folio Histoire et en trois tomes La Destruction des Juifs d'Europe3, de Raul Hilberg, et publient dans cette même collection et du même auteur Exécuteurs, victimes, témoins : La catastrophe juive 1933-1945.4

A lire avant Littell. Pour ne pas oublier que tout cela arriva et comment cela fut possible.

Note : Raul Hilberg sera présent le 27 septembre prochain à Paris au Mémorial de la Shoah.

1 Critique de Lire
2 Robert Merle, avec La Mort est mon métier, basé sur les mémoires du commandant des camps d'Auschwitz, avait déjà en son temps déclenché une polémique.
3 Ouvrages disponibles dans la collection Folio Histoire, n°141, 142 et 143.
4 Folio Histoire n°133