22 mars 2006

CPE/CNE : pourquoi je n'embauche pas ?

Je ne suis ni patron ni salarié, mais travailleur dit indépendant (je nuance cette notion d'indépendance : on dépend toujours de quelqu'un, qui put être un patron ou, dans mon cas, des clients).

Certes je n'ai pas fait l'ENA à l'inverse de ceux qui nous gouvernent et n'ai jamais usé mes jeans sur les bancs d'une quelconque Grande Ecole (au grand dam de mes parents) et ne prétends donc donner ici que mon avis et non des leçons.

Etant également autodidacte - self-made man comme disent nos cousins d'en face - je trouve qu'il y a une certaine logique - et une bonne dose d'ironie du sort - à être aussi self-employed - entrepreneur comme disent les gens d'ici. C'est un terme qui me convient bien et un rôle que j'endosse donc sereinement.

En tant que tel (entrepreneur, pour ceux qui ont déjà perdu le fil...) je devrais en toute logique me sentir concerné par les nouvelles mesures d'aide à l'emploi qui font tant de bruit actuellement.

Eh ben même pas...

Pourquoi ça ?

Réfléchissons ensemble au vrai problème du chômage et aux fausses solutions proposées (y'a plus de suspens, vous devinez mon opinion sur la question...).
On usera et abusera pour cela de la sacro-sainte sagesse populaire et du bon sens.

Embaucher n'est pas une fin en soi pour l'entreprise dans nos économies dites de marché. Le profit, par contre, oui. L'entreprise, dans la logique libérale/capitaliste, n'a pas d'utilité sociale. La fonction publique, par contre, dans un certain sens... Mais on diverge.

Il faut donc qu'une embauche se traduise par un profit supplémentaire - réel ou espéré - pour qu'une entreprise augmente son personnel. Dans une économie de marché, cela veut généralement dire : plus de ventes, donc plus de production ou de productivité, etc.

On pourrait déjà discuter ce point en long et en travers, mais acceptons-le comme postulat (ou prédicat ?).

Dans le même temps, il est de notoriété publique qu'une embauche se traduit par des coûts bien réels, à commencer par le salaire de l'employé et les charges y afférent.

Si le profit espéré se concrétise, tout le monde est content (en théorie) mais dans le cas inverse, il y a problème : l'entreprise n'ayant, nous l'avons dit, pas de vocation sociale, la question - ou le besoin - de licencier se pose très vite.

Or, à écouter le gouvernement et certains patrons, les modalités du licenciement sont telles qu'elles en sont devenues un frein à l'embauche.

D'où les idées géniales de créer les contrats CNE et CPE pour lever cette hypothèque.

Je dis : "Mouais..."

Penchons-nous rapidement sur le travail au noir dans le BTP et son traitement.

A cause de la TVA à 19,6%, selon le gouvernement de l'époque, les donneurs d'ordre (étaient alors visés les particuliers) faisaient appel massivement au travail clandestin.

Réponse du gouvernement : on abaisse la TVA à 5,5% pour rendre moins attractif le recours au travail clandestin. Cela devait - et a peut-être eu - pour effet de relancer la demande : la baisse de TVA, répercutée sur les devis, a fait "mathématiquement" baissé le coût des travaux de 10/15%, ce qui n'est pas négligeable, surtout si l'on considère que le donneur d'ordre, muni de factures en bonne et dûe forme, jouissait alors des garanties et des abattements fiscaux.

La demande augmentant, l'offre se devait de suivre et donc les entreprises du BTP devaient se mettre, en toute logique, à embaucher.

L'idée était plutôt bonne, même si perfectible. Le travail clandestin n'a pas disparu, loin s'en faut, mais, une fois encore, on diverge...

Par contre on pourrait s'inspirer de cette mesure : pourquoi ne pas envisager, comme c'est déjà le cas avec les taux de TVA, des taux de charge différents sur les salaires en fonction du secteur d'activité, du niveau de qualification des employés, du secteur géographique, etc. ?

Au risque de choquer, introduire de la flexibilité dans le Code du travail ne me choque nullement tant que les droits des salariés ne sont pas fondamentalement remis en question.

Par contre je ne conçois pas qu'introduire de la précarité sur le marché de l'emploi puisse le dynamiser.

Cependant, il est injuste de faire porter à notre Premier ministre et aux deux lapins CPE/CNE sortis de son chapeau la seule responsabilité des tensions actuelles sur le marché de l'emploi.

Il faudra bien un jour se poser et répondre à des questions comme :

- l'université a t-elle vocation à instruire selon les désirs de chaque étudiant ou bien selon les débouchés et les besions du marché du travail ? Comment croire que la France a besoin de 50.000 docteurs en Histoire comparée du Moyen-Age byzantin chaque année ? (Chiffre volontairement outrancier !)
Jusqu'au baccalauréat, OK, on inculque à chaque lycéen un bon gros bagage de culture générale. L'objectif de cette formation étant que 85% d'une classe d'âge puisse passer la barre de 100.000 € à "Qui veut gagner des millions ?".
Au-delà du bac, il serait logique et sain que les formations reflètent un tant soit peut les besoins du marché de l'emploi.
Sinon on finira par devoir "importer" de la main d'oeuvre et on verra des infirmères espagnoles dans nos hôpitaux... (Notez que je n'ai rien contre les Espagnols, l'étant un peu moi-même.)

- il faudra bien aussi faire passer le message que la flexibilité cela se traduit aussi, de part - employés - et d'autres - employeurs - par accepter ce fait qu'il faut se préparer à exercer plusieurs métiers durant sa vie professionnelle.

- et je ne parle pas de la revalorisation des métiers manuels...

Bref, sujets à suivre !